Depuis le XVIIIe siècle, l'agriculture n'a eu cesse d'évoluer soutenue par l'évolution des pratiques culturales et la révolution industrielle. La mécanisation et la progression de la chimie de synthèse ont favorisé le passage d'une agriculture de subsistance à une agriculture de production. Cette intensification de l'agriculture, liée à la mécanisation des tâches, à la sélection des variétés et à l'apport d’engrais et de produits phytosanitaires a démultiplié les rendements des cultures et apporté une autonomie alimentaire aux pays développés. (Par exemple en France : le rendement moyen de blé avant 1950 s’élevait 13 q/ha contre 70 q/ha aujourd'hui.)
Mais la prise de conscience écologique et la demande pour une agriculture durable, ainsi que l'augmentation continue de la population mondiale, poussent les systèmes agricoles à produire mieux avec moins d'intrants. Un moyen pour y parvenir consiste notamment à traiter les menaces au bon endroit et au bon moment.
Quelles sont aujourd'hui les innovations de rupture qui permettent de développer cette agriculture de haute précision et réduire ainsi le recours aux traitements dans les champs ? Comment l'intelligence artificielle peut-elle répondre aux exigences du plan Ecophyto II+ ? Nous vous apportons notre éclairage.
La mauvaise valorisation de certaines cultures amène de nombreux agriculteurs à conserver des rotations courtes et peu diversifiées. Celles-ci exacerbent la pression sanitaire jusqu'à rendre certaines filières de production dépendantes des produits phytosanitaires. L'arrêt de la commercialisation de ces produits engendre alors des crises profondes pour ces filières, si elles n'ont pas préparé l'avenir avec des méthodes de production alternatives.
Le système de régulation Européen et tout particulièrement son pendant français fixent aujourd'hui des normes de plus en plus strictes pour l'autorisation de mise sur le marché des produits phytosanitaires. L'opinion publique dans l'hexagone étant de plus en plus sensibilisée à ces questions, l'autorité française a souvent devancé la régulation européenne en interdisant des substances au nom du principe de précaution. (Interdiction des néonicotinoïdes, future interdiction du glyphosate…)
Cette diminution du nombre de matières actives ne signifie pas pour autant une baisse de la consommation de produits phytosanitaires, mais une concentration sur des molécules ayant des modes d'action similaires. Et cela favorise le risque d'apparition de résistance liée à une pression de sélection accrue.
Bien que d'énormes progrès soient faits sur la tolérance des variétés et la recherche de produits de bio-contrôle, les systèmes de culture intensifs sont encore trop dépendants des produits phytosanitaires dont les niveaux d'efficacité s'érodent à cause de l'apparition de résistances.
Seules des innovations de rupture permettront aux agriculteurs de produire autant, voire mieux, en atteignant l'objectif de réduction des produits phytosanitaires de 50 % d'ici 2025.
Un obstacle à la diminution des produits phytosanitaires, outre la dépendance des systèmes de culture intensive, est la grande rentabilité de ces derniers pour les acteurs de la distribution agricole. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a planifié la séparation de la vente et du conseil.
Il est donc primordial que l'offre de service basée sur les innovations puisse compenser, en partie, la perte financière induite par la baisse de consommation de produits phytosanitaires. C'est la raison d'être du modèle économique développé par Dilepix.
L'intelligence artificielle est basée sur l'apprentissage par ordinateur : " Machine Learning ". Cet apprentissage peut être fait sur des données numériques, afin de modéliser des processus biologiques/pédoclimatiques et ainsi créer des modèles prédictifs.
Dans le domaine de l'analyse d'images, cet apprentissage est plus poussé, on parle alors d'apprentissage profond : " Deep Learning ". C'est cette approche qui est aujourd'hui développée par Dilepix afin de développer ses propres réseaux de neurones, dédiés à la vision par ordinateur dans le secteur agricole. Ces réseaux de neurones, spécialisés sur les problématiques agricoles permettent de détecter des situations d'intérêts (menaces ou opportunités) grâce à de l'analyse d'images et de vidéos.
Cette détection, grâce à l'intelligence artificielle permet de générer des données qui peuvent être utilisées à plusieurs escients :
Depuis deux décennies, la télédétection a optimisé la gestion de la fertilisation en observant les parcelles depuis l'espace. En revanche, pour optimiser l'utilisation des phytosanitaires, il faut être capable d'observer de près des insectes ou plantules. Cela passe par l'utilisation de capteurs à proximité du sol. On parle alors de proxidétection.
La proxidétection est effectuée grâce à un système d'acquisition qui correspond à une combinaison vecteur-capteur. Par vecteur, on désigne l'ensemble des supports en déplacement transportant le capteur : Humain, tracteur, pulvérisateur, robot, drone, etc. Et par capteur, tous les appareils d'acquisition de données visuelles : caméra RGB, caméra multispectrale, caméra thermique, LIDAR, etc.
Un des enjeux actuels est de déterminer pour chaque analyse, le système d'acquisition qui présente la meilleure précision et la meilleure rentabilité.
La collecte des données peut s'étaler du semis jusqu'à la fin de la récolte. Elle permet de suivre l'évolution de la culture avec une mesure des indicateurs de santé et de rendement ou de suivre l'apparition et l'évolution des menaces telles que les carences, maladies, insectes ravageurs et adventices.
Les données, lorsqu'elles sont générées tôt dans le cycle de la culture, peuvent être utilisées pour enrichir ou évaluer des modèles de prédiction. Ces derniers aideront les agriculteurs à mieux piloter leur parcelle en intervenant au bon moment, voire mettre en place des mesures prophylactiques pour limiter le besoin d'intervention.
Couplée à une localisation précise, la détection permet la génération de cartographies des menaces. Il suffit ensuite de charger ces cartographies dans l'appareil qui effectuera l'action corrective au bon endroit, soit par un moyen mécanique soit par un moyen chimique.
Les données générées en temps réel, permettent de piloter l'action sans toutefois s'assurer si cette action a été prise au bon moment. Cependant, cela n'empêche pas la génération de données analysables a posteriori.
Les développements les plus avancés sont axés sur la pulvérisation de précision, car elle a pour avantage de disposer les capteurs sur la rampe du pulvérisateur, offrant ainsi un taux de couverture optimal de la culture. Si cette analyse est faite en temps réel, les réseaux de neurones doivent détecter les menaces et commander dans un laps de temps très court, l'ouverture et la fermeture individuelles des buses du pulvérisateur.
Les principaux challenges technologiques pour l'analyse en temps réel, sont la puissance de calcul nécessaire à chaque caméra afin de traiter le signal efficacement et la nécessité de recourir à l'injection directe. Il est, en effet, difficile de prévoir a priori la quantité de produit phytosanitaire et de bouillie nécessaires pour l'application.
L'approche en amont, en plus de générer des données pour la modélisation, permet de s'affranchir de ces deux contraintes et d'envisager des applications avec des adaptations moins coûteuses pour le parc actuel de pulvérisateurs.
Les premiers résultats montrent des économies en produits phytosanitaires comprises entre 50 % et 80 %. Cela permet d'envisager ces solutions comme un moyen efficace de répondre à l'objectif d'Ecophyto II si la rentabilité économique est, elle aussi au rendez-vous. Il faudra pour cela que les pulvérisateurs "intelligents" soient accessibles en termes de coût et que le prix des produits phytosanitaires ne s'envolent pas.
Cette approche de la modulation intra-parcellaire peut également être appliquée au désherbage électrique ou au désherbage vapeur.
D'autres solutions utilisent la détection pour commander des actions de désherbage mécanique via un guidage très précis. Ces solutions ont l'avantage de s'affranchir totalement de produits phytosanitaires, mais utilisent davantage de carburant et ont des débits de chantier moins importants et sont donc prioritairement développées sur des plateformes robotiques.
En conclusion, de nombreux leviers tels que l'amélioration variétale, l'adaptation des techniques culturales et des systèmes de culture ont permis une évolution positive vers la réduction des produits phytosanitaires en système de d'agriculture raisonnée. Mais c'est grâce à la révolution de l'intelligence artificielle et à toutes ses applications que nous pourrons envisager d'atteindre l'objectif de réduction d'Ecophyto II+ d'ici 5 ans.